Chapitre 14:
Gustav posa le pied sur sa pédale, l’enfonça, et écouta le son grave qui se dégageait de la grosse caisse. Puis, relevant ses manches, il s’empara des baguettes, effectua un roulement sur sa caisse claire, puis tapa fièrement sur une cymbale.
Après vérification, les techniciens avaient bien fait leur travail, et il s’apprêtait à se faire péter un bon solo quand un soupir traversa les murs de la pièce.
Gustav se retourna et remarqua qu’un miroir de la taille d’une porte se cachait dans son dos. Un petit sourire se prononça sur ses lèvres, et il se mit à taper fièrement sur ses caisses, liant à une vitesse affolante les notes qui se succédaient en un joyeux rythme.
« Tu me fais un petit solo ? -Comment as-tu trouvé ? -… »
Il ralentit ses battements, en tournant la tête vers le miroir. Mais il fut tellement étonné de ce qu’il vit que ses baguettes lui échappèrent des mains.
« Oh ! -Quoi ? -Tu… -Je ? -Tu es magnifique ! »
Le batteur ouvrit de grands yeux, se leva de son siège, puis regarda de haut en bas le miroir accroché au mur. C’était plus qu’un simple visage blanc qui s’offrait à sa vue. Bien au-delà de ce qu’il n’avait jamais contemplé. Midona se tenait là, debout, dans le miroir, toujours recouvert d’un fond brumeux. Sa silhouette pâle se détachait du fond comme si on avait posé un drap de soie humide sur son corps.
Au départ dépourvu de ses moyens, il se contenta de l’admirer. Son visage rieur était très typique: deux yeux verts en forme d’amande, quelques mèches de cheveux qui lui parsemaient le front, un long nez fin qui donnait au reste de son visage un air droit et rigoureux.
Mais c’était avant tout la douceur qui émanait de sa splendeur. De longues boucles retombaient sur ses épaules dénudées, puis longeaient son décolleté plongeant. Une robe moulait parfaitement son corps, probablement aidée par un étroit corset lacé dans son dos. Son bustier rehaussait une poitrine ferme, puis décorait un peu plus bas son ventre d’entrelacs de fils qui accompagnaient les courbes des motifs décoratifs.
Des rebroussements de dentelles pendaient à ses bras, et au bas de son jupon, donnant à la jeune fille une allure élégante et hors du commun ! Ses mains étaient camouflées par des gants, aussi blancs que le reste de son corps, qui lui remontaient sous les manches.
Les paupières de Midona se plissèrent, alors qu’elle répondait d’une petite voix gênée:
« C’est gentil ! -Non mais tu es vraiment ravissante ! -C’est trop… -Et puis, c’est original. -Façon de dire que c’est peu fréquent ? -Oui, c’est exactement ça ! -Ça doit te changer des autres fans que tu vois généralement, habillées en mini-jupes ou pantalons… -On ne va pas dire le contraire ! »
Il la parcourut du regard, encore une fois, admirant cette merveille qui s’épanouissait sous ses yeux, tout en remarquant cette étrange sensation que celle de sentir son cœur sauter un bond.
« Approche un peu… »
Un peu étonné, Gustav s’exécuta sans broncher.
« Encore un peu… » Le batteur sentit ses joues rosir, tandis que sa main se colla contre le mur, séparant de la distance d’un bras cette magnifique silhouette blanche de son visage. « Encore… -Tu es sûre ? »
Elle acquiesça d’un signe de tête, se mordilla la lèvre inférieure. Gustav déglutit, puis tendit sa joue si près du miroir qu’il pouvait presque sentir le froid du verre l’effleurer.
« Ça, c’est pour ton solo… »
Soudain, il sentit une chaleur entrer en contact avec sa peau. Il sursauta, se recula, puis caressa sa joue.
« Tu… C’est toi qui m’as fait ça ? -Ça quoi ? -C’était chaud ! -Ben, je ne suis pas un glaçon non plus ! »
Les doigts du batteur tâtèrent un instant cette joue bien en chair, s’étonnant de cette étrange révélation. Il l’avait touchée, et plus qu’un simple contact entre ses lèvres et sa peau, c’était une véritable bouffée de chaleur qui l’avait envahi.
« Tu es bien réelle alors… -Il te faut quoi de plus pour t’en convaincre ? »
Le batteur laissa sa main glisser sur la surface du verre, dans laquelle ses phalanges se fondaient presque. Il chercha les doigts de Midona, qui les mêla aux siens dans un geste discret. A nouveau, il se sentit envahir par une bouffée de chaleur, alors que la blancheur de la peau de la jeune fille contrastait avec la sienne. Au-delà de toutes les impressions qu’il avait eues jusqu’alors en tenant la main à une fille, ces ondes qui le parcouraient lui procuraient un bien fou, même si les doigts qui se fondaient dans le miroir lui semblaient à peine réels.
Tantôt chauds, tantôt plus froids, il y avait des instants où ils semblaient s’effacer dans l’air, d’autres où ils pesaient à travers le miroir comme des pierres.
« Comment tu fais pour venir jusqu’ici ? - … -Tu me files entre les doigts comme de la poussière, et pourtant je peux te sentir. Ta chaleur, la douceur de ton gant. Tu es juste devant moi, et pourtant si loin… -C’est normal que je te paraisse être si loin… Je ne suis peut-être pas à l’autre bout du monde, mais la distance qui nous sépare est pourtant énorme. -Et tu es bel et bien là. -C’est peut-être ça qui m’étonne le plus. Vous n’êtes plus seulement ces images inaccessibles, cette musique qui fait rêver. Je peux vous voir, vous entendre, vous toucher… »
En disant cela, Midona caressa la main de Gustav, qui frissonna. Plongeant ses yeux vert pomme dans les pupilles du blond, elle se mit à sourire.
« Dis, tu me joues un autre solo ? »
Gustav détacha sa main de la jeune fille, sentant l‘épais tissu de sa robe lui effleurer la paume, puis il se retourna vers son instrument. Après s’être installé sur son tabouret, avoir pris ses baguettes et actionné la pédale une ou deux fois pour se sentir à l’aise, il jeta un coup d’œil derrière son épaule. Les formes de la jeune fille s’estompaient déjà dans le fond du miroir. Le batteur l’interpella à haute voix, mais il était presque trop tard!
« Attends! -Je suis désolée, mais je dois partir maintenant! On m’appelle ! Si je n’y vais pas, on me verra ! -Tu reviendras ? -Oui! »
Et elle disparut. Le batteur, un peu attristé, observa la silhouette se fondre dans le mur, puis laisser place à son reflet. Il aurait bien voulu le lui jouer, ce morceau. Mais pourquoi fallait-il qu’elle s’envole en coup de vent? Pour une fois qu’il aurait pu jouer pour quelqu’un d’extérieur à son milieu, mais qui savait se tenir à distance et l’écouter sans lui sauter dessus, il aurait bien aimé au moins essayer…
Il s’est levé, a contourné son instrument. Elle venait de partir, mais il souhaitait déjà qu’elle revienne. Plus que de la curiosité, cette fille réveillait en lui des états d’âmes plus profonds, qui lui venaient du fond du cœur.
Il avait perçu en elle, cette inexplicable différence, ce qui faisait d’elle un être à la fois unique et fascinant. Elle était à la fois proche et lointaine. Matérielle, comme immatérielle selon les moments, mais surtout dotée d’une âme hors du commun, d’une force de caractère qui lui permettait de transcender les interdits, car il avait bien senti qu’elle bravait une autorité supérieure. N’avait-elle pas dû brusquement le quitter, alors qu’elle souhaitait qu’il lui joue un solo. Et cette légère peur qu’il avait entraperçue dans son regard, lorsqu’elle lui avait dit qu’on risquait de la voir. Si elle craignait de se faire surprendre et que malgré cette crainte, elle revenait le voir comme promis, cela sous–entendait qu’elle dompterait ses appréhensions pour lui. Une bien jolie personne et une douce promesse, que souhaiter de plus pour illuminer sa journée ……
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De nos rêves naissent et meurent des mondes fantastiques. La vie, l'amour, la mort se côtoient dans un semblant de réalité, Dont seule notre imagination en fixe les limites. Vivre pour rêver, rêver pour vivre.....Fanfic - Website - Forum - Myspace - Facebook - Instagram - Twitter - Teaming
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